Démarche artistique : le texte comme une partition...

 

        Est-ce, à la base, mon amour conjugué du théâtre et de la musique ? Est-ce le fruit d’une double formation de comédien et de chanteur ? Je vois le texte d’abord comme une partition.

Dégager l’architecture cachée d’une oeuvre – sa structure, son style, ses singularités – insuffle, à mon sens, de meilleurs partis-pris de mise en scène que l’analyse de la fable dans sa linéarité, ou que celle de la psychologie des personnages. Si au départ, le choix d’un texte peut venir de messages qu’il porte en lui ou de thèmes qui me sont chers (idéologiques, politiques ou métaphysiques), les axes que je donne aux comédiens, scénographes, éclairagistes, sonorisateurs, chorégraphes… sont un écho dans l’espace (donc, littéralement, une mise en scène) des sensations éprouvées à l’étude rigoureuse de la structure même de ce  texte.

Dans notre approche du travail, prendre le recul nécessaire vis-à-vis d’une œuvre dramatique pour mieux la faire résonner, c’est d’abord s’y plonger, la déchiffrer à la manière d’une partition musicale, comme si du son, du rythme, de la matière même de la langue naissait la pensée… C’est se donner la possibilité d’accéder à une transgression poétique des choses.

Trouver des idées, c’est avant tout trouver des solutions pour que se révèle et vibre autant que la fable, voire plus, cette architecture cachée…

C’est dans ces contraintes que je trouve un espace de liberté et de création. Ce peuvent être des réponses scénographiques, des codes de jeu, des choix chorégraphiques, musicaux, des incursions audiovisuelles... que sais-je ? Ainsi – et non par une démarche volontariste – sommes-nous amenés, dans la réalisation de nos projets, à toujours fuir le naturalisme, tout en nous efforçant d’éviter les écueils d’un formalisme redondant ou d’un esthétisme vide de sens.

Dans ce travail, toute l’équipe est fédérée autour d’un goût commun pour les textes (classiques ou contemporains) qui permettent cette approche. Chacun y a sa part de responsabilité et son espace de créativité.

Dans cette double formation que j’évoquais, avoir eu le privilège d’être confronté à la dramaturgie au contact de Bernard Dort, au jeu, entre autres avec Gérard Desarthe ou Daniel Mesguich  (lui-même revendiquant sa filiation à Antoine Vitez), au travail de phrasé avec Michel Bernardy, au chant avec Françoise Rondeleux, Christianne Patard ou, plus tard, Sylvia Sass, tout cela m’a donné des armes précieuses pour appréhender ce passionnant travail.

Rien ne me rend plus heureux que la sensation d’amener,  en les y confrontant, mes collaborateurs dans un premier temps et finalement le public, à une commune jubilation.

Thierry Pillon

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